Introduction à la bibliographie matérielle - Effectuer un relevé de signatures

Le relevé de signatures (formula en anglais) permet de donner rapidement, par une formule un peu mystérieuse pour le profane et d'aspect vaguement mathématique,  une description rapide et précise de l'architecture et de la composition d'un livre ancien.

Il a été inventé par le bibliographe et codicologue anglais Henry Bradshaw, bibliothécaire de l'université de Cambridge, vers 1865.

Il est très utilisé dans le monde anglo-saxon, en particulier par les STC (Short Title Catalogue - catalogue à titre court) tant sous forme papier que sous forme électronique. Il dispense de recourir à une description très détaillée, tout en fournissant l'information essentielle à l'identification du livre examiné.

L'ouvrage fondamental en matière de relevé de signatures est celui de Fredson Bowers, dont nous avons signalé qu'il avait essayé de donner par ce biais une véritable "photographie" scientiste des ouvrages qu'il décrivait. Cet ouvrage ayant, comme nous l'avons vu, eu plusieurs éditions, il faut utiliser la dernière parue :

BOWERS (Fredson), Principles of Bibliographical Description, Winchester, St Paul's Bibliographies and New Castle (Del.),   Oak Knoll Press, 1994. 
 

relevé 01

 

L'opération consiste à compacter dans une formule alphanumérique la suite des signatures des cahiers composant l'ouvrage examiné, en indiquant en exposant, pour chaque cahier le nombre de feuillets le composant.

Attention : Les feuillets hors-texte rajoutés au moment de la reliure (en particulier les gravures sur cuivre, imprimées sur un papier plus épais) ne sont pas pris en compte !

On prendra garde à ne pas confondre les chiffres en exposant et les autres, comme dans l'exemple A8 et A8.

A8 désigne un cahier signé A et comportant 8 feuillets.

A8 désigne le huitième feuillet du cahier A, par opposition aux autres feuillets du même cahier.

L'usage n'est pas d'énumérer tous les cahiers (A8 B8 C8 D8 E8 F8 G8 H8...), mais de compacter la formule : A-H 8.

Si l'ouvrage est très épais, les signatures feront se suivre plusieurs alphabets : A-Z puis Aa-Zz puis Aaa-Nnn. Là encore, le relevé de signatures sera compacté. Dans ce cas précis, et en supposant avoir affaire à un in-octavo, on pourra obtenir deux relevés équivalents :

A-Nnn 8

ou

A-3N 8

Dans le cas d'alternance de cahiers de 8 et de 4 feuillets (in-douze à feuilleton dehors), on indique les cahiers de début et de fin de la séquence, et on porte en exposant la mention 8-4 ou 4-8, selon le cas examiné. Ainsi la formule A-M 8-4 décrit-elle un ouvrage in-douze comportant un cahier A de 8 feuillets, un cahier B de 4 feuillets, un cahier C de huit feuillets, un cahier D de quatre feuillets, un cahier E de huit feuillets, un cahier F de quatre feuillets, un cahier G de huit feuillets, un cahier H de quatre feuillets, un cahier I de huit feuillets, un cahier K de quatre feuillets, un cahier L de huit feuillets, et un cahier M de quatre feuillets.

Si d'aventure l'ouvrage se terminait par un cahier N de huit feuillets, la formule deviendrait : A-M 8-4 N 8.

Il arrive parfois que le faux-titre et le titre, non signés, n'appartiennent pas au premier cahier de l'ouvrage. Ces feuillets liminaires non signés sont alors désignés par la lettre π [pi]. Si des feuillets non signés figurent dans le corps du texte, entre des cahiers signés, ou à la fin du texte, ils seront alors signalés par la lettre χ [chi]. Dans les deux cas, le nombre de feuillets sera indiqué en exposant. On pourra ainsi avoir :

π 2 a-d 8-4 A-M 8-4 χ2 N-Y 8-4 Z 8

Dans cet exemple in-douze, le faux-titre et le titre [π 2], non signés, n'appartiennent pas au premier cahier, les pièces liminaires [a-d 8-4] et le texte principal [A-M 8-4 et N-Y 8-4 Z 8 ] font alterner les cahiers de huit et de quatre feuillets, mais deux feuillets non signés [ χ2] se trouvent intercalés entre les cahiers M et N.

Le relevé de signature permet également de signaler les feuillets cartonnés, par l'emploi du symbole ± qui signifie qu'un feuillet a été enlevé, et qu'un autre feuillet a été rajouté.

Si nous reprenons l'exemple précédent, l'indication (± K2) signale que le second feuillet du cahier K est un carton :

π 2 a-d 8-4 A-M 8-4 (± K2) χ2 N-Y 8-4 Z 8.

Il est également possible de signaler, dans le relevé de signatures, le nombre de feuillets signés par cahiers. Dans le cas d'un in-octavo signé jusqu'à la moitié du cahier, on pourra donner le relevé suivant :

A-K 8 [$ 4 sign.]

Si les cahiers sont signés jusqu'au premier feuillet de la seconde moitié, le relevé deviendra : A-K 8 [$ 5 sign.].

On peut préciser rom. sign. ou arab. sign. selon que les feuillets sont signés en chiffres romains ou en chiffres arabes.

La formule peut se complexifier pour rendre compte de l'utilisation, ailleurs dans l'ouvrage, de feuillets manquants au dernier cahier. Ainsi de la seconde édition (B2) in-octavo du Bonheur d'Helvétius, parue sous la fausse adresse de Londres 1772, et aujourd'hui attribuable à l'imprimeur-libraire lyonnais Geoffroy Regnault. Dans sa Bibliography of the writings of Helvétius (Ferney-Voltaire, Centre international d'étude du XVIIIe siècle, 2001, p. 251-254), David Smith en donne la description suivante :

π2 (= H 2.7 ?) a-g 8 h 4 (= H 3.6 , 4.5 ?) A-G 8 H 8 (- H 2-7)

Que signifie cette formule alambiquée ? Le dernier cahier H, qui devrait comporter huit feuillets, n'en compte en fait que deux : le bi-feuillet H1.8. Les autres feuillets ont vraisemblablement été utilisés de la manière suivante : un bi-feuillet (H 2.7) a probablement été utilisé pour imprimer le faux-titre et le titre, qui ne sont pas signés. Les deux autres bi-feuillets H 3.6 et H 4.5 ont sans doute constitué le demi-cahier signé h.

Cet exemple, qui ne précise pas le nombre de feuillets signés, et ne relève aucun carton,  montre cependant le degré de précision dans la description qu'on peut atteindre quand on maitrise les principes de description bibliographique de Fredson Bowers.

 

Cas particuliers :

 

cas n° 1 : L'édition suivante des Progrès de l'éducation... de 1743 in-octavo est composée de cahiers de huit feuillets, signés jusqu'à la moitié de A à P. Le cahier A présente cependant une particularité  : entre le feuillet A1, non signé, qui correspond à la page de titre, et le feuillet A2 sont insérés deux feuillets non signés qui constituent l'épître.

releve 02                 

Feuillet A1 recto

releve 03

Recto du premier feuillet non signé intercalé

 

releve 04              

Verso du premier feuillet non signé intercalé et recto du second feuillet non signé

releve 05 

Verso du second feuillet non signé intercalé et recto du feuillet A2

 

releve 06

Verso du feuillet A2 et recto du feuillet A3

releve 07

Verso de A3 et recto de A4

 

Dans un tel cas, le relevé de signatures considérera le cahier octavo A comme ayant 10 feuillets, tout en en précisant immédiatement entre parenthèses la structure, puis listera les cahiers suivants, normaux. La formule sera donc la suivante :

A10 (A1 χ2 A2-8) B-P8 [$4 sign.]